Une Palme d’or pour le planning chemin de fer

Pour le non-initié, un planning chemin de fer ressemble à un tableau sur lequel on aurait joué au mikado. Une multitude de traits de différentes couleurs. Quelques formes géométriques. Une sorte de tableau abstrait. Pourtant chaque trait, chaque couleur et chaque forme à une signification précise. Dès lors qu’on s’intéresse à leur signification, le côté artistique disparaît. Aussi on voit mal l’intérêt qu’aurait un réalisateur du 7e art à expliquer dans son œuvre comment lire un tel graphique. Que ce film remporte une Palme d’or semble encore plus improbable. Et pourtant, c’est arrivé !                

Extrait d’un planning chemin de fer
Planning chemin de fer de terrassements

Le planning chemin de fer tire son nom du premier usage qui l’a rendu populaire. C’est un outil extrêmement pratique pour planifier le déplacement de trains sur une ligne ferroviaire. Le plus souvent, la voie ferrée est représentée sur l’axe horizontal et le temps en descendant sur l’axe vertical. Un train arrêté se matérialise par une ligne verticale, un train en mouvement par une ligne oblique. Deux lignes qui se croisent sur le planning indiquent un accident à venir sur la voie.

Le chemin de fer étant né en Grande-Bretagne, les britanniques ont logiquement un mot dédié pour désigner le planning chemin de fer. On parle de time chainage planning ou plus simplement de time chainage. Le chainage correspond au point kilométrique en français. Aujourd’hui exprimé en mètres et kilomètres, il s’exprimait à l’origine en chains, une vraie chaîne mesurant 22 yards soit 20,1168 mètres. Ses 100 links ou maillons permettaient de mesurer les distances aussi bien en alignement qu’en courbe. De nombreuses voies de chemin de fer britanniques comportent encore des bornes exprimées en miles, chains et links, un mile faisant 80 chains. La chaine, outil de base de l’arpenteur, est à l’origine de nombreuses unités impériales comme l’acre représentant une surface d’une chaine carrée, soit environ 405 m².

Longtemps réservé à la planification des horaires de train, le planning chemin de fer a commencé à être utilisé à la fin du XIXe siècle dans les usines pour l’optimisation des cadences des chaines de production. Outre cet usage pour des activités répétitives, son usage s’est aussi étendu à la planification des projets de construction linéaires. Ainsi il est parfaitement adapté à la planification d’infrastructures linéaires horizontales telles que les routes et les chemins de fer mais aussi verticales comme les gratte-ciels. Depuis une dizaine d’année, son usage n’est plus réservé aux projets linéaires et il trouve sa place pour la construction de ports, d’usines et hôtel ainsi que pour l’exploitation de mines.

Le planning chemin de fer présente en effet de nombreux avantages par rapport aux autres outils de planification. Grâce à l’affichage de la vitesse pour un train et de la cadence pour la construction, le planning chemin de fer permet de synchroniser les tâches. Les trains se succèdent à intervalles réguliers. Les travaux avancent de concert. La synchronisation ne se limite pas aux tâches sur le terrain. Il est possible de synchroniser la conception et les travaux. C’est ce qui a permis à l’Empire State Building d’être conçu et réalisé en seulement 18 mois ! Les premiers étages ont commencé à être assemblés avant même que les derniers étages ne soient conçus.

Outre l’aide apporté à la l’optimisation d’un planning, le planning chemin de fer permet aussi de mieux identifier les retards et leurs impacts. En affichant la vitesse ou la cadence, les déviations par rapport aux plannings sont identifiées avant même qu’elles n’aient un impact sur les trains ou tâches suivants. De nombreux outils tels que le diagramme de Gantt se concentrent sur la seule ressource temps. En mettant aussi en évidence l’emplacement, les accès, les engins et leurs déplacements, le planning chemin de fer permet d’identifier plus facilement l’impact qu’aura le retard d’une tâche et quelles tâches sont susceptibles de rattraper ce retard.

Cet outil extraordinaire a un autre atout. S’il permet d’optimiser un projet, il peut de la même façon servir à le retarder, voire même à rendre impossible son avancement. Les contres-temps qui arrivent le plus souvent de façons fortuites sur un projet ont ainsi été utilisés pour remporter une bataille de la deuxième guerre mondiale. C’est ce qui a poussé René Clément à y consacrer une minute de son film à propos de cette bataille cruciale que fut la Bataille du rail.

Affiche du film La bataille du rail
Affiche du film La bataille du rail

La Bataille du rail est un film sorti en 1946 et retraçant la résistance des cheminots pendant la seconde guerre mondiale. Écrit à partir de faits réels de la résistance, René Clément tourne d’abord un court métrage. Il complète ensuite celui-ci pour en faire un long métrage avec notamment la célèbre scène du déraillement d’un train transportant des blindés allemands.

Le planning chemin de fer est présenté dès les premières minutes du film — à 8 minutes 45 secondes du début —, préparant l’audience à son utilisation récurrente dans la préparation minutée des opérations de résistance :

« Vous allez voir fonctionner une mécanique extrêmement précise. De ce poste de commandement, on règle et on suit la marche des trains sur un parcours déterminé. Pendant l’occupation, ces trains étaient le plus souvent des trains TCO, traduisez transport en cours d’opération. […] Les cheminots, on le voit, veillaient sur les TCO avec une sollicitude toute particulière et ne négligeaient rien pour leur infliger des retards considérables, toujours avec la plus grande discrétion. […] Ce graphique établi par avance le parcours de tous les trains prévus. Ça, c’est la théorie. La réalité, c’est cet autre graphique où l’opérateur trace au fur et à mesure de leur passage la marche des trains tels qu’ils circulent réellement sur le réseau. »

Présentation des plannings chemin de fer théorique et réalisé
Présentation des plannings chemin de fer théorique et réalisé

On suit ensuite l’opérateur chargé de la planification et du suivi des trains organiser le blocage des trains sensés apporter des renforts allemands suite au débarquement allié en Normandie. Les trains sont déviés en faisant sauter la voie aux endroits stratégiques. Un train en dérive met en péril la vie des ouvriers travaillant sur la voie. Toutes ces opérations sont suivies sur le planning chemin de fer qu’on retrouve après 1 heure 15 minutes de film lorsque tous les trains ont été immobilisés.

Parmi toutes ces opérations de résistance, la plus délicate est l’intervention minutée destinée à faire dérailler un train transportant des chars allemands. L’opérateur planifie le dynamitage de la voie juste après le passage d’un train blindé. Il prend en compte le tracé de la ligne pour que la vitesse du train soit suffisante pour précipiter les chars dans le ravin tout en permettant au chauffeur de sauter du train dans une courbe. La scène suivante qui voit le déraillement d’un train transportant une trentaine de véhicules blindés est d’autant plus impressionnante qu’elle a été tournée sans trucage. Un vrai train transportant de vrais blindés a été précipité à pleine vitesse en bas du remblai sous le regard de trois caméras.

Scène du déraillement

Le film remporte le Prix du jury international du premier Festival de Cannes. Lors de cette première édition du Festival international du film en 1946, le premier prix — le Grand prix qui deviendra la Palme d’or en 1955 — est décerné aux onze pays participants ex æquo. Le Prix du jury international — qui deviendra la deuxième récompense du festival sous le nom de Prix spécial du jury — traduit ainsi pour cette première édition le choix du jury qui lui décerne également le Grand prix de la mise en scène. La Bataille du rail remporte également le prix Méliès 1946. La bande annonce est disponible gratuitement sur le site de l'INA qui propose également le film complet.

Le planning chemin de fer a connu son heure de gloire sur grand écran. Aujourd'hui, c'est encore un écran — celui d'ordinateur — qui lui donne un nouveau souffle. À partir des années 1980, la table à dessin a laissé sa place aux logiciels de dessin industriel. S'ils permettaient de tracer le planning chemin de fer, sa conception continuait de se faire sur le papier. L'intérêt du planning chemin de fer étant d'afficher toutes les contraintes à la fois, la pensée était limitée par la taille réduite des écrans VGA. Les logiciels de planification se limitaient au diagramme de Gantt et à ses théories bien plus simples. Formalisées dès les années 50, la méthode du chemin critique et la méthode PERT étaient à la portée des premiers ordinateurs. Ce n'est donc qu'au tournant des années 2000 que le planning chemin de fer a commencé à être entièrement conçu sur ordinateur avec l'arrivée de plus grands écrans, de plus de puissance de calcul et surtout… de MAGNET Project, anciennement DynaRoad.

MAGNET Project permet de travailler simultanément sur le planning chemin de fer, le diagramme de Gantt et le cahier de phasage parmi les nombreuses vues disponibles
Captures d'écran de MAGNET Project

Depuis le début des années 2000, DynaRoad et maintenant MAGNET Project permettent de planifier directement en manipulant les tâches sur un planning chemin de fer mais aussi sur un diagramme de Gantt et sur un cahier de phasage, le tout étant mis à jour en temps réel. Chaque vue offre des possibilités de zoom étendues afin de retrouver sur écran la densité d'information offerte par la feuille de papier au format A0. Ce graphique réalisé dans DynaRoad Schedule, c'est la théorie. Mais l'origine de DynaRoad vient de la demande de terrassiers de pouvoir suivre la réalité. Aussi, le suivi de projet est implémenté au cœur de DynaRoad depuis les premières versions. DynaRoad Control et MAGNET Project permettent de tracer l'avancement au fur et à mesure de la réalisation des tâches. L'opérateur peut saisir manuellement les quantités réalisées, comme pour le passage des trains. Avec la généralisation des logiciels de suivi d'engins, il est même possible d'importer ces quantités en temps réel à partir de la géolocalisation des camions.

La superposition des graphiques du planning et du réalisé permet d'identifier les imprévus avant qu'ils n'impactent l'ensemble du projet. Sur le planning ci-dessous, les pointillés montrent que les déblais meubles en orange et les remblais correspondants en marron, ont été réalisés en avance. La couche de fondation en bleu a, elle aussi, démarré en avance. Après une pause de plusieurs semaines, la cadence n'est plus celle prévue. Les prévisions en traits bleus discontinus montrent qu'elle se finira avec environ cinq semaines de retard. C'est donc une tâche à surveiller de près.

Suivi de chantier sur le planning chemin de fer de MAGNET Project
Suivi de projet sur le planning chemin de fer de MAGNET Project

DynaRoad et MAGNET Project sont disponibles en français. Si vous souhaitez planifier votre projet avec cet outil, n'hésitez pas à me contacter. Vous pouvez aussi télécharger une version d'essai.

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